chinoiseries?

samedi juil. 7, 2012

J’aime beaucoup Yamtcha. Mon seul regret c’est la taille de ce restaurant : non pas que je m’y sente mal… au contraire! ce petit espace est tout à fait chaleureux, et même élégant depuis qu’il vient d’être refait, mais qu’il est difficile d’obtenir une table ! Cela faisait donc très longtemps que j’y étais allé.

Un plat m’a frappé, lors de cette dernière visite ou, plus exactement me revient en mémoire de façon insistante — c’est toujours bon signe : il s’agissait d’un “ homard de Bretagne snacké au wok ; jaune d’oeuf poché dans la sauce soja ; sauce XO crevette séchée/ail/gingembre ”. Quand le plat arrive, il ressemble à ça :

Comme vous pouvez le constater, en plus des ingrédients fournis par l’intitulé, il y a des tomates cerises (crues), et une fleur de bourrache. Cette dernière est un peu un lieu commun culinaire aujourd’hui, même s’il est indéniable qu’elle apporte ici une touche décorative, jouant, en plus, avec les reflets dans l’émail du bol.

Plus je repense à ce plat, plus il m’étonne. Sur le moment, ce n’était sans doute pas le plus spectaculaire : le “ chewy ” du premier plat, à base de nouilles de patate douce au vinaigre de riz noir, calmars et moules vapeur, l’était bien davantage, ou la subtilité de la dorade grise cuite elle aussi à la vapeur et servie avec girolles et pois gourmands, assaisonnés de minuscules dés de saucisse chinoise… Nous n’avons pas en français de mot équivalent pour décrire cette texture si spéciale qu’affectionnent les Chinois, “ chewy ” : “ élastique ” est bien pauvre, d’autant plus que s’y ajoute souvent une touche de ce que nous appelons “ gluant ” — à tort, à mon avis : vous trouvez le riz gluant gluant, vous? Et mâchouillable n’est pas très beau. C’est dommage, parce que c’est une notion qui colle parfaitement à la cuisine d’Adeline Grattard et qu’elle dit avoir acquise, d’ailleurs, en Chine, et auprès de Chiwah, son mari maître du thé. Alors, ce homard, qu’avait-il donc de si extraordinaire? Un croisement inattendu entre bon vieux homard à la parisienne — vous savez, servi avec mayo et macédoine de légumes… il faut vraiment chercher dans des bouquins d’avant les années 60 pour en trouver trace — et quelque chose d’éminemment chinois, l’assaisonnement et la présence bienvenue des crevettes séchées (“ chewy ”, elles aussi, mais d’une manière encore différente du homard… juste une ponctuation qui rajoute de la texture sur un ingrédient qui en a déjà tant). L’impression “ parisienne ” provenait de la présence du jaune d’œuf, plus vraiment cru, davantage nappant, qui évoquait la texture d’une mayonnaise un peu liquide, et des tomates cerises dont l’acidité évoquait la verdure des légumes et venait équilibrer le gras de l’œuf. Là dessus, la sauce XO apportait la dimension chinoise. Difficile de s’y tromper. Mais ce n’était pas simplement ça: ces crevettes séchées, à la saveur iodée, renforçaient celle, plutôt discrète en général, du homard (bien que la cuisson au wok ait, ici, augmenté celle-ci). Et ça, par contre, c’est très caractéristique de la cuisine française : on n’est pas loin de la sole normande avec ses moules et ses crevettes… On passe donc, dans une seule bouchée, d’une culture à l’autre, sans jamais pouvoir s’arrêter sur l’une avec certitude. C’est très troublant.

Avec, nous était servi un thé bleu : très belle alliance (mariage, ça ferait publicité clandestine), mais que Chiwah me pardonne, j’ai rien noté concernant le thé. Il va falloir que j’y retourne.

Le menu en images :

/ crème de maïs doux, tofu fumé / nouilles de patate douce au vinaigre de riz noir, calmars et moules de bouchot vapeur, piquillos / homard sauté au wok, sauce XO / daurade grise à la vapeur, giroles et pois gourmands sautés, saucisse chinoise / pavlova /


nourrir (retour à cuit-cuit)

mercredi juin 13, 2012

Il y a plus d’un an — comme le temps passe! —  sur le Monde.fr , j’avais trouvé l’adresse d’un site, super-marmite.com, qui apporte une sorte de réponse à beaucoup de questions qui se posent aujourd’hui : le partage de la cuisine. Et qui permet, en outre, à ceux qui, comme moi, sans pour autant ambitionner de devenir cuisiniers professionnels, trouvent du plaisir à nourrir les gens.

Il y a bien longtemps, le photographe Bernard Faucon avait publié un très joli livre, Tables d’amis, dans lequel il avouait ce penchant.tables d'amisPlus récemment, le philosophe Alain Etchegoyen, a publié Nourrir où il est question également de ce goût.nourrirEn fait cette question est centrale dans l’approche de la cuisine, mais elle est totalement occultée dans ses développements actuels, de la grande cuisine à celle de la télé (et là, même quand il peut en être question, ça ne semble pas vrai). Je viens de terminer, plus exactement, je suis en train de mettre la dernière main à l’écriture d’un (gros) livre sur l’idée de nouveauté en cuisine et, dans l’analyse de ce qui se passe de ce point de vue dans la cuisine contemporaine, on se rend compte qu’on se focalise sur des points, certes importants, mais tellement esthètes qu’il passe à côté de l’essentiel, en tout cas lorsqu’on veut amener les gens à se prendre en main et cuisiner davantage. Avec la sortie du bouquin (prévue pour le début 2013), il sera beaucoup question de tout ça, ici même, dès l’automne…

Et, pour patienter, deux recettes… de saison, bien entendu!

Chou-fleur aux anchois

Pour 4 personnes : 1 chou fleur pas trop gros / 4 brins de persil plat / 1/4 citron confit au sel / 1 c. à s. de câpres au vinaigre / 12 filets d’anchois à l’huile / 4 œufs / huile d’olive / gros sel / fleur de sel, poivre du moulin

  • Laver, essorer et effeuiller le persil. Le hacher pas trop finement.
  • Retirer la pulpe du citron et hacher l’écorce.
  • Ôter les arêtes qui dépassent des filets d’anchois et détailler ceux-ci en tronçons de 5 mm.
  • Mettre tous ces ingrédients dans un bol avec les câpres. Donner 2 ou 3 tours de moulin à poivre. Mélanger et ajouter suffisamment d’huile d’olive pour obtenir une sauce à peine liquide.
  • Diviser le chou-fleur en sommités grosses comme une belle noix.
  • Faire durcir les œufs (10 mn), les rafraîchir les écaler et les couper en quartiers. Assaisonner ceux-ci de quelques grains de fleur de sel et d’un peu de poivre.
  • Faire cuire à l’eau bouillante salée le chou-fleur. Vérifier la cuisson d’une pointe de couteau : il doit rester franchement al dente. L’égoutter immédiatement.
  • Disposer les sommités de chou-fleur dans le plat de service. Avec une cuiller à café, parsemer de pointes de sauce. Disposer sur l’ensemble les quartiers d’œuf assaisonnés. Servir aussitôt (tiède).

Canard aux navets « différent »

Pour 2 personnes : 1/2 magret de canard fumé ou au poivre / 1 botte de navets nouveaux / 2 tiges de ciboule / 3 brins de ciboulette / huile de sésame / fleur de sel

  • Éplucher les navets et les couper en deux ou en quatre afin d’avoir des morceaux de même grosseur à peu près.
  • Peler la ciboule et l’émincer assez finement, vert compris. Ciseler la ciboulette.
  • Trancher le magret en fines lichettes en conservant le gras, bien sûr.
  • Cuire les navets à l’eau bouillante légèrement salée. Compter une bonne dizaine de minutes. Vérifier de la pointe d’un couteau: ils doivent être tendres mais croquants.
  • Les navets une fois cuits, les passer et les assaisonner immédiatement avec une bonne cuillerée d’huile de sésame: ils doivent être juste enrobés d’une fine pellicule d’huile. Ajouter la ciboule et la ciboulette hachées, et mélanger.
  • Disposer le tout, bien chaud, dans le plat de service. Disposer entre les navets les lichettes de canard: le gras doit fondre à la chaleur des légumes. Parsemer d’un peu de fleur de sel (très peu) et servir aussitôt.

nourrir (retour à cuit-cuit)

mercredi juin 13, 2012

Il y a plus d’un an — comme le temps passe! —  sur le Monde.fr , j’avais trouvé l’adresse d’un site, super-marmite.com, qui apporte une sorte de réponse à beaucoup de questions qui se posent aujourd’hui : le partage de la cuisine. Et qui permet, en outre, à ceux qui, comme moi, sans pour autant ambitionner de devenir cuisiniers professionnels, trouvent du plaisir à nourrir les gens.

Il y a bien longtemps, le photographe Bernard Faucon avait publié un très joli livre, Tables d’amis, dans lequel il avouait ce penchant. tables d'amisPlus récemment, le philosophe Alain Etchegoyen, a publié Nourrir où il est question également de ce goût.nourrir


véro for ever

samedi mars 10, 2012

Véronique Abadie n’est plus. L’épouse de Jean-Paul Abadie, le chef de l’Amphytrion, à Lorient, vient de disparaître à l’âge de 53 ans.

Je me souviens de sa douceur, de son rire, de ses hilarantes colorations capillaires. De son absolue générosité.

Je me revois feuilleter avec elle son énorme livre de cave, qu’elle avait surnommé Les liaisons fatales (avouez que l’expression sonne mieux que « accords mets et vins »). Puis elle avait ouvert un muscadet de 1996 signé Damien Rineau, et on avait papoté. De la cuisine, du vin, des hommes, des projets, de la relève. Je m’étais promis, en la quittant, de louer un studio dans la ZAC Keryado pour revenir la voir tous les jours, pendant trois mois, et l’écouter parler de « ses » vins et de ses potes vignerons. Partie remise…

Mais pour l’heure, je ne m’inquiète pas: elle doit rire aux éclats, quelque part. Sûr qu’elle trinque à la vie et à la vigne avec Marcel Lapierre et Didier Dagueneau — peut-être ont-ils ouvert une bouteille d’Elian Da Ros, pour commencer: Le Vin est une Fête, à tous les coups.


i have a dream

lundi oct. 24, 2011

Déjà, sorry pour le titre bien lourdaud de ce mini-post, mais c’est le seul qui me vienne à l’esprit après avoir vu à l’instant, sur Eater, les premières images d’un documentaire qui sortira d’ici 2012 aux Etats-Unis — pour une diffusion en France, il faudra attendre… jamais.

Ça s’appelle Jiro Dreams Of Sushi, et il y est donc question d’un monsieur (Jiro Ono, qui a largement l’âge d’être le grand-père de Yoko, ce qu’il n’est pas, à ma connaissance) qui rêve (dreams) de sushi (normal, il fait ça depuis des siècles et exerce aujourd’hui encore au Sukiyabashi Jiro, à Tokyo). Son nom vous dit d’ailleurs sans doute quelques chose, puisque sa renommée a atteint nos rives voilà quelques années, lorsqu’un certain guide lui accorda sa bénédiction sushi et orbi (mon quota de vannes pas drôles vient d’être atteint, mais c’est lundi matin, vous ne m’en voudrez pas, je suis dans le pâté). Si tel n’était pas le cas, la foodosphère regorge de multiples comptes-rendus, parfois follement porn — tenez, celui-ci, au hasard.

Bref, s’il y a des distributeurs qui nous feraient l’honneur d’y jeter un œil, à ce docu, voire, who knows?, à qui viendrait l’idée d’en acheter les droits, on serait tous ravis, je pense. Non?

Franchement, elle fait pas envie, cette affiche?

 

 


nom d’un bougnat!

mardi oct. 18, 2011

Alors que je glandais tranquillement ce matin (même pas vrai, j’étais en train de regarder un drolatique épisode de South Park intitulé Crème fraîche, que je vous recommande au passage chaudement), une ch’tite news est littéralement venue me couper l’appétit. Via Paris by Mouth, qui reprend cette info fracassante déjà parue sur Not drinking poison in Paris, j’apprends donc la fermeture prochaine du Petit Vendôme.

Non! Si. Nooon?!?! Ssi.

En décembre, les amis, c’en sera fini des sandwiches déments délivrés après 47 minutes de poireautage face au zinc. Plus de jambon de pays dans la baguette tiède de chez Julien, juste en face, plus de fromages qui puent, plus de saint-pourçain, nom d’un chien. Fini, nada, circulez, y’a plus rien à boire!

Bon, en fait, c’est moins grave que ça mais quand même. L’équipe en place depuis la naissance de De Gaulle est tout simplement contrainte de déménager (vers le VIIIe arrondissement, apparemment) parce qu’elle n’est pas propriétaire des murs. Dommage, parce qu’à la place de cette pure carte postale, cette vraie tronche de vie, on aura certainement droit à l’avenir à un rade aseptisé et chiant comme le quartier en compte déjà tant.

Vous savez donc ce qui vous reste à faire dans les deux mois et demi qui restent. L’adresse, pour ceux qui n’en auraient jamais entendu parler, du Petit Vendôme: 8 rue des Capucines, dans le IIe arrondissement de Paris, capitale de la France.

(Au fait, m’sieu l’président: vous ne voudriez pas passer un coup de fil à vos amis de l’Unesco? Mmh?)


les tontons ricains à Cousin

jeudi oct. 13, 2011

Pour ceux d’entre-vous qui aiment le grolleau et sont farpaitement bilingues, quelques petits liens sur l’affaire Olivier Cousin vue par nos amis d’Outre-Atlantique. Là-bas aussi, ça commence à pétitionner sec (demi-sec — fuck, j’ai pas pu m’en empêcher!) et à brailler sur le mode « mais qu’on leur foute la paix à ces vignerons! » Je ne l’aurais pas dit autrement.


c’est gonflé

mercredi oct. 12, 2011

En ce mercredi matin, je ne résiste pas au plaisir de vous présenter cette image, chipée à l’instant sur le site du Figaroscope. Je ne sais pas pour vous, mais moi, ça me détend.


appellation d’origine cousinée

mercredi oct. 5, 2011

Vous ne le savez peut-être pas, mais depuis plusieurs jours, la blogoglou est en émoi. Et il y a sans doute de quoi. Pensez: on veut tuer un vigneron! (Fredonnez with me, les oisillons: And I said non, non, non!)

C’est Sylvie (Augereau, camarade de boulot comme de goulot) qui m’a alerté: dans la minute, il fallait même que je signe la pétition le courrier suivant.  À adresser, mine de rien, à un procureur du coin. (Le coin, c’est quelque part dans la Loire. Vous allez comprendre.) Allez, on y va.

Nous, vignerons, journalistes, cavistes, importateurs, affirmons notre soutien à Olivier Cousin. Nous nous indignons qu’on l’accuse de nuire à son appellation. Olivier Cousin incarne une des plus belles images angevines. Sa médiatisation en est témoin. Ses pratiques culturales respectent son terroir. Le vin qui en émane le traduit sans aucune interférence et propage l’identité angevine dans le monde entier. Mieux, Olivier Cousin est un des acteurs principaux du renouveau du vignoble: il soutient activement et physiquement les jeunes installations. Enfin, il est à l’origine de la révolution du cheval de trait dans toute la Loire. Nous, vignerons, journalistes, cavistes, importateurs, apportons notre appui solidaire à Olivier Cousin et dénonçons les persécutions dont il est l’objet.

Persécutions?! Sans blague? Sans blague. À l’heure où l’on parle, il semblerait que l’angevin monsieur Cousin soit menacé d’une amende de quelque 30000€, accusé qu’il est, par les services des Fraudes, de faire du tort à l’appellation. Ah bon? Et comment ça? En inscrivant en toutes lettres sur ses cartons « Anjou Olivier Cousin ». A.O.C., donc. Trois lettres avec lesquelles, comme chacun sait, on a moyennement le droit de rire, en France. Et Olivier Cousin est en train de l’apprendre à ses dépens.

Pour la faire vite, l’administration considère qu’il y a là tromperie sur la marchandise. Cousin se prévaudrait de la « prestigieuse » appellation en la détournant — et pour lui, ce sera donc le knout. Il faut dire que l’homme fait partie de ces nombreux mohicans vignerons produisant des crus « déclassés » (« vin de table » avant, « vin de France » maintenant): à force d’être refusés ou recalés dans les dégustations d’agrément, certains se résolvent en effet à se passer de l’A.O.C. — leurs vins ne s’en vendent pas moins bien, au contraire. Mais là où ça coince, c’est que Cousin la ramène toujours un peu au lieu de faire profil bas. Et ça, les autorités jajatiques du coin l’ont apparemment en travers du gosier. D’où les petites mesquineries, les contrôles impromptus, et, pour finir, le coup de semonce des Fraudes. On voudrait le faire taire — le couler? — qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

Voilà où on en est pour le moment. L’histoire est symptomatique, me semble-t-il, des relations bien compliquées entre certains vignerons et les autorités (plus ou moins) chargées de les chapeauter. Au cœur du débat, pas mal de vraies questions: qu’est-ce que la « typicité » d’un vin, comment l’a-t-on élaboré, le rapport entre le vigneron et sa terre, l’utilité des appellations, etc. De fait, deux mondes se font face et ne se comprennent pas — et dans ces cas-là, un banal petit clin d’œil humoristique comme celui d’Olivier Cousin suffit à mettre le feu aux poudres.

Comment tout cela finira-t-il? Aucune idée! Olivier Cousin se dit pour sa part prêt à un peu de castagne (il a l’habitude et a déjà pas mal donné…), mais quelque chose me dit qu’un peu de soutien ne lui ferait pas de mal: le courrier ci-dessus, vous pouvez, si ça vous dit, le signer ici. Pour ma part, je m’en vais vider quelques quilles de grolleau à sa santé et à celle de ses chevaux de trait. Et je ne vous interdis pas d’en faire autant.


et une assiette vide…

mercredi juil. 13, 2011

Ici vécut un risotto à l’encre et au cédrat, Le Dauphin (Paris),

13 juillet 2011, 23h31.

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