mea culpa

Wednesday Dec 4, 2013




J’avais toujours dit que la panna cotta c’était pas vraiment mon truc. Et puis j’ai goûté ça:

Il s’agit de la panna cotta au potimarron servie chez Frenchie To Go, le “déli” de Greg Marchand — et Marie. C’est d’ailleurs Marie, à qui je disais mon peu d’attrait pour la panna cotta en général (le plus souvent, une sorte de bloc tremblotant de gélatine vaguement parfumée à un arôme quelconque, peut-être même artificiel),  Marie donc, qui m’a “persuadé” de l’intérêt de l’expérience. L’image n°5, parfaitement floue, est la preuve de mon émoi gustatif et la n°6 qu’il s’est conclu, pour finir, avec ravissement.

Vous avez déjà essayé de mordre dans du potimarron cru? C’est quasi impossible. Chez Frenchie To Go, vous avez l’impression que c’est devenu faisable, et non seulement faisable, mais délicieux. C’est juste le goût du potimarron et la texture qu’on lui souhaiterait pour pouvoir le manger cru. Mais vous l’avez sans doute remarqué: ici, la panna cotta est “améliorée”. Au fond du petit pot, il y a une couche de quelque chose de plus ou moins brun dont on distingue mal à travers le verre de quoi il peut s’agir. Dans la capsule qui l’accompagne, des graines de courge caramélisées à ajouter, le pot une fois ouvert. Pas besoin que le serveur nous recommande de “bien aller au fond du pot avec la cuiller pour bien goûter toutes les saveurs imaginées par le chef”, cela va de soi. On réalise alors qu’il s’agit d’une compote de pomme franchement acidulée qui vient apporter tout à la fois une certaine fluidité à la relative compacité de la panna cotta et des notes vives qui énervent un peu cette dernière. Les graines caramélisées, elles, apportent du croquant et une légère amertume qui, tout comme les notes acidulées, donne du relief.

Vous avez vu de la gélatine là-dedans?

Evidemment, lorsque l’on va à Frenchie To Go, on pourrait parler de bien autre chose, mais, sincèrement, pour moi, cette panna cotta valait tous les menus dégustation (je n’ai pas regretté, malgré tout, ni mon sandwich au pastrami, ni mon fish and chips — pas consommés le même jour, tout de même).

Frenchie To Go / 9, rue du Nil / 75002 – Paris / du mardi au samedi /8h30-16h30

 


 


Cuisine à la mandoline et autres joyeusetés

Saturday Jun 15, 2013

tableau conservé au musée d'Orsay, reproduit dans "À la table de Manet", éditions du Chêne, 1996

Eh bien non, une seule asperge posée sur une assiette, ne fait pas un plat. Aussi bonne soit-elle…  Et qu’elle soit parsemée d’herbes “sauvages” n’ajoute malheureusement rien à l’affaire. Au contraire! C’est pourtant ce qui m’a été servi dans un restaurant encensé par la critique et dont je tairai le nom: d’abord parce que ce billet n’est pas une critique au sens où on l’entend habituellement, ensuite parce que cet échantillonnage donnerait plutôt envie d’aller plus loin (d’où les louanges). C’est donc à cette mode qui devient ridicule que je m’en prends. Objectivement, cependant, il n’est pas sûr — et c’est le problème de cette cuisine et des menus dégustation en général — que cela tienne la route sur la distance. C’est donc doublement une cuisine de la frustration. Serait-elle aussi celle de l’impuissance? De l’incapacité d’imaginer des plats complexes qui puissent tenir l’imaginaire en éveil au-delà d’une bouchée?
On peut le craindre: toute cette cuisine que l’on pourrait qualifier de “cuisine à la mandoline” n’a peut-etre pas grand-chose à dire au-delà de ce que montrent ses assiettes. C’est joli, c’est amusant, et on passe — vite — à autre chose.

D’où, peut-être, l’intérêt des plantes sauvages: à défaut d’apporter véritablement quelque chose (d’ailleurs, on les met toutes), elles retiennent l’attention. Où donc les cuisiniers parisiens trouvent-ils donc toutes celles qui parsèment leurs plats? Entre quels pavés (qui n’existent plus)? Dans quelles pelouses de squares? Et comment fait-on en hiver? Perdu au fin fond de l’Aubrac, cela se conçoit. Voire même à Copenhague… Mais à Paris? Toute cette cuisine des herbes coriaces et des fleurettes sans plus aucune justification, mises là simplement comme signes de la nature, devient lassante. Quand passera-t-on, enfin, à autre chose?


Le Belvédère, à Bozouls (le retour)

Monday May 27, 2013

J’ai déjà eu l’occasion, ici même, de parler du restaurant de Guillaume et Christine Viala,  Le Belvédère, à Bozouls. Profitant d’un séjour récent dans le Cantal, j’y suis retourné (Bozouls est situé à une vingtaine de kilomètres au nord de Rodez dans l’Aveyron) et j’y retournerai encore certainement dès cet été car, si j’avais apprécié la maison dans sa globalité lors de mon premier passage, un plat m’a particulièrement frappé cette fois-ci, qui m’a fait m’interroger davantage sur la cuisine de Viala. J’y reviens tout de suite… Cette dernière visite va être, de plus, l’occasion de mettre en pratique une “critique à quatre mains” telle qu’on la suggérait, Sébastien et moi, dans Les cuisines de la critique gastronomique. Dans le cas présent, la seconde paire de mains appartient à Matthieu Aussudre, qui a été mon étudiant à Toulouse et travaille actuellement avec moi. Matthieu est en outre l’auteur du blog Les carnets d’un jeune gourmet sur lequel vous retrouverez ses commentaires sur notre escapade, puis nous tenterons dans un prochain billet de faire une synthèse de ces deux comptes-rendus.


[Pour pouvoir lire le menu, cliquer sur l'image]

Alors, ce plat? Il s’agit de la “pièce de bœuf fermier d’Aubrac”. La cuisson, à l’unilatérale, est peut-être la première cause d’étonnement: s’il est fréquent d’aplatir une escalope, c’est déjà plus rare pour un morceau de bœuf; la cuire ensuite sur une seule face l’est encore plus. Personnellement, c’est la seule fois où je l’ai vu faire… Mais ce serait juste une curiosité s’il n’y avait la garniture: “oignon nouveau et radis-cerises sautés-déglacés, gariguettes”. Sur une assiette noire néo-cinquante (qui s’assortirait bien avec des appliques de Serge Mouille, pour situer), le steak — car, après tout, c’est bien de cela qu’il s’agit — est posé, face cuite dessous; sur la chair juste chaude mais crue, et donc rouge, est disposée la garniture à dominante de cette couleur elle aussi — radis, gariguettes, et les oignons qui ont pris des reflets bruns. Comme une belle tartine d’un rouge profond. Visuellement, c’est très réussi… Mais ce qui est plus important, c’est également bon et cela fonctionne d’une manière tout à fait surprenante: la gariguette, en fait une demi-gariguette, tranche dessous, se réchauffe au contact de la viande et devient fondante tout en gardant ses notes acidulées. Pour moi, cela faisait l’effet d’une sauce, l’onctuosité et la structure acide d’une béarnaise. Sans le gras évidemment. Après le repas, Guillaume Viala nous a expliqué que les fruits sont, pour lui, des condiments, mais il faut l’entendre au sens où on le fait aujourd’hui en général, tous ces pestos plus ou moins exotiques qui décorent les assiettes (et font un peu plus que cela, tout de même). En même temps la fraise, par sa tiédeur, sa jutosité, sa texture, était comme une sorte d’émanation de la viande, son prolongement. De leur côté, davantage dans le rôle classique de garniture, radis et oignons, en apportant un contrepoint au bœuf, jouaient aussi sur leurs contrastes: croquant/fondant, épicé/doux. Pour finir, la vinaigrette venait relever le tout, mais, là encore, de manière ambivalente grâce au malt et au soja. Autant l’intitulé semblait étrange, à la limite de l’incongru, bien que la cuisine espagnole nous ait déjà habitués aux fraises avec le poisson, ce plat m’a paru, nous a paru, une vraie réussite: savoureux, riche, complexe. Surprenant parce qu’il réveillait des impressions connues, donc assimilables, par des moyens plutôt inattendus où les ingrédients échangeaient quelquefois leurs rôles, ou jouaient avec tout au moins: là, on est bien dans la modernité de la cuisine. Read the rest of this entry »


Plats du jour, à Toulouse

Friday Apr 5, 2013

Suite des aventures de Plats du jour

Samedi 13 avril, à partir de 17 h 30, à la librairie

Ombres blanches

 

50, rue Gambetta

à Toulouse, donc, à deux pas du Capitole

(et je dois dire que j’ai été très impressionné par l’endroit et les choix…)

Ce week-end, je serai à Festin d’auteurs, à Beynat en Corrèze, un festival du livre de cuisine des plus sympathiques.

Une fois que ces aventures bibliophiliques se seront ralenties, je reviendrai sur ce qui se passe à Toulouse, en marge des circuits gastronomiques “classiques”…


Plats du jour (suite)

Monday Mar 11, 2013

Le livre est dans toutes les (bonnes) librairies depuis jeudi…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Petit rappel des prochains rendez-vous:

 

  • jeudi 14 mars / 19h : cela semble n’avoir rien à voir…et pourtant! À l’occasion de la “Semaine du Cerveau” rencontre avec Hirac Gurden, chercheur au CNRS. Cela a lieu au Collège franco-britannique de la Cité Internationale Universitaire, boulevard Jourdan, à Paris 14ème. Tous les renseignements sur le site de la Semaine du Cerveau.
  • 15 mars, sur France 2: “Dans que éta…gère”, la chronique de Monique Atlan / 9h05 le matin, avant le journal de la nuit et à 5h05
  • 17, 18, 19 marsFestival Omnivore, je serai présent sur le stand de la Librairie gourmande le lundi 18 en fin de matinée. il est possible également que je cause, et pas dans le poste
  • samedi 23 mars – dimanche 24 mars : Salon du Livre de Paris avec dédicaces les deux jours sur le stand des éditions Métailié et des débats (programme non encore fixé absolument) sur le Square culinaire du Salon
  • jeudi 28 mars / 19h : rencontre à la librairie L’Écailler, 101 rue du Théâtre, à Paris 15ème
  • samedi 6 avril – dimanche 7 : salon “Festin d’auteurs” à Beynat en Corrèze. Pour se tenir au courant, consulter la page Facebook de la manifestation.
Pour répondre à la remarque de la Pintade aixoise (voir son commentaire à propos du précédent billet), des rencontres en province— et même à l’étranger — sont en train de se mettre sur pied, mais cela prend du temps et encore faut-il que les libraires intéressés se manifestent!
Il est d’ores et déjà question de Toulouse (Haute-Garonne), Cluny (Saône et Loire), Aubenas (Ardèche) et de Liège et Bruxelles (Belgique).
Enfin, un premier article — de Marie-Hélène Macé — à propos de Plats du jour a été publié sur le blog “sociétal” de Mardi ça fait désordre.
C’est tout pour aujourd’hui… A bientôt!



Plats du jour : sortie imminente

Sunday Feb 17, 2013

 

PLATS DU JOUR / Sur l’idée de nouveauté en cuisine est le livre sur lequel je travaillais depuis de longs mois (et raison de ma présence intermittente ici même…). Il sort — enfin ! — le 7 mars prochain et cela commence sérieusement à s’agiter. Pour ceux qui souhaiteraient suivre les événements de plus près, voici donc leur calendrier (qui démarre dès à présent et sera mis à jour au fur et à mesure)

AGENDA

  • mardi 19 février / 18h-20h : conférence à l’IFM (Institut Français de la Mode) “Sur l’idée de nouveauté en cuisine”. Tous renseignements et inscriptions sur le site de l’IFM
  • vendredi 22 février – dimanche 24 : présence au Festival du Livre culinaire, au Carrousel du Louvre. Une table ronde est prévue le vendredi 22 à 18h00
  • jeudi 7 mars : le livre est dans toutes les bonnes librairies
  • vendredi 8 mars / 20h : rencontre à la librairie 47° Nord à Mulhouse
  • dimanche 10 mars / 19h: rencontre à la librairie Michèle Ignazi, 17 rue de Jouy, à Paris 4ème
  • jeudi 14 mars / 19h : cela semble n’avoir rien à voir…et pourtant! À l’occasion de la “Semaine du Cerveau” rencontre avec Hirac Gurden, chercheur au CNRS. Cela a lieu au Collège franco-britannique de la Cité Internationale Universitaire, boulevard Jourdan, à Paris 14ème. Tous les renseignements sur le site de la Semaine du Cerveau.
  • 17, 18, 19 mars : Festival Omnivore, il est question que j’y fasse un tour…
  • samedi 23 mars – dimanche 24 mars : Salon du Livre de Paris avec dédicaces les deux jours sur le stand des éditions Métailié et des débats (programme non encore fixé absolument) sur le Square culinaire du Salon
  • jeudi 28 mars / 19h : rencontre à la librairie L’Écailler, 101 rue du Théâtre, à Paris 15ème
  • samedi 6 avril – dimanche 7 : salon “Festin d’auteurs” à Beynat en Corrèze. Pour se tenir au courant, consulter la page Facebook de la manifestation.

D’autres rencontres, signatures, débats s’annoncent, mais les dates n’en sont pas encore certaines…

 

A bientôt…


mazette l’andouillette!

Tuesday Nov 20, 2012

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le cliché ne rend pas vraiment hommage à la bête — désolé, j’ai rien de mieux. Mais franchement, on s’en fout un peu, non? Car la vérité est ailleurs (comme disait Fox dans les années nonante). La vérité? Je mens pas: c’est la meilleure andouillette de ma vie, et j’ai attendu le 16 novembre 2012 à 14h01 pour la croiser.

C’était en l’occurrence au Bistral, dans le XVIIe arrondissement de Paris, capitale de la France. Alex Mathieu, le taulier, qui est un garçon bien éduqué, ne s’est pas foutu de ma gueule mais il aurait pu: cette andouillette du Haut-Var, il l’a non seulement à la carte depuis des lustres, mais il la vend également next door, dans son épicerie nommée en toute simplicité Bis.

Tant qu’elle est chaude, parlons-en, de cette andouillette totalement dingo. Légèrement croustillante à l’extérieure (elle est visiblement panée en douceur), dégageant un petit quelque chose de fumé, ne puant pas trop — je sais, on ne dit pas que ça pue mais que ça sent fort, et l’explication arrive. Ensuite, dedans. Thierry Berland, ze chef, la taille en deux et en biseau, comme pour laisser apparaître la singularité de cette tripaille: difficile, en effet, de ne pas remarquer que le hachage est du genre maousse, et que de gros morceaux de couenne pointent leur nez ici et là. En bouche, le résultat est tout bonnement immense: une mâche énorme, le grassouillet-collagéné qui lip-sticke les lèvres, l’enveloppe légèrement crispy qui rend l’ensemble presque léger — c’est bien simple, j’y retourne dans les deux jours m’en offrir une autre. (Disclaimer: en fait, j’ai pas ressenti tout ça; on était à 2 grammes de beaujolais par tête et j’ai juste dévoré l’andouillette en 6mn57 pour éponger tout mon gamay. Nan, je déconne.)

Du coup, à peine remis de ces émotions charcutières, j’appelle un 04-quelque chose pour en savoir plus. Au bout du fil, un dénommé Patrick Autran, charcutier à Callian et de père en fils depuis quatre générations. Les mots qui suivent ont été prononcés avec un fort accent de rocaille: “J’ai 51 ans et je bosse depuis que j’ai 16 ans. Cette andouillette, on l’a toujours faite comme ça. C’est mon arrière-grand-père qui a mis au point la recette. Par la suite, on l’a à peine modifiée, juste pour l’améliorer un peu. On reçoit les tripes de l’abattoir et on les nettoie en profondeur: du coup, elles sont très pures, elles ne sentent pas. Après, on fait un gros hachage, on ajoute de la couenne, une légère chapelure, et on la cuit en la fumant pendant environ deux heures. D’ailleurs, vous pouvez très bien la manger crue! Les 5A? Ils m’ont dragué mais je veux pas en faire partie! Qu’est-ce que ça m’apporterait, franchement? Si on était trop gros, on ne maîtriserait plus le processus de fabrication. Entre nous, je préfère le bouche-à-oreille…”

Ces andouillettes, Patrick Autran en sort 3 à 4000 par mois en moyenne. La plus grosse partie de sa production est écoulée sur place, au prix de 21,85€/kg. Si vous passez dans le secteur, sachez aussi que vous les trouverez les mercredis et samedis au marché de Saint-Raphaël. Et pour ce qui concerne Paname, donc, au Bistral (80 rue Lemercier, est-il besoin de le rappeler?) et au Paul-Bert (18 rue Paul-Bert, XIe, est-il besoin de le rappeler?), en fonction, naturellement, des arrivages.


Le bonheur est dans l’assiette (copinage)

Thursday Oct 11, 2012

Madame P’tit Pois, alias Sophie Brissaud, étant la co-auteur de cette série qui va être visible sur ARTE tous les soirs de la semaine prochaine, du lundi au vendredi, il nous a semblé indispensable de l’annoncer. Au programme donc un tour des cinq continents, représentés chacun par un cuisinier qui travaille “autrement”, c’est à dire en étroite relation avec son environnement.

Si Arnaud Daguin (France) et David Kinch (USA) ont de grandes chances d’être connus d’un certain nombre de personnes en France, il est beaucoup moins sûr que ce soit le cas de Luke Burgess (Tasmanie), Godfrey Nzamujo  (Bénin) et Dai Jianjun (Chine) et c’est l’occasion de voir quelques séquences étonnantes, bien loin de nos habitudes… Je n’ai pas eu le plaisir de goûter ce que préparent Godfrey Nzamujo et Dai Jianjun, mais la cuisine de Luke Burgess, un peu… et c’est tout à fait convaincant.

Quelques images pour vous mettre en appétit… (Cliquez sur les images pour les voir “normalement”)

Les photos sont de Sophie Brissaud, sauf deux images qui sont de Philippe Allante, co-auteur et réalisateur de la série: dans la série sur le Pays basque, la photo des canards, et, dans la série sur la Chine, celle du repas.

Pour en savoir plus rendez-vous donc à 19 heures, sur Arte, tous les jours de la semaine prochaine.

 le lundi 15 octobre : Au Pays basque avec Arnaud Daguin

le mardi 16 octobre : En Tasmanie avec Luke Burgess

le mercredi 17 octobre : Au Bénin, avec Godfrey Nzamujo

le jeudi 18 octobre : En Chine, avec Dai Jianjun

le vendredi 19 octobre : En Californie, avec David Kinch

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une dernière soupe de tomate

Saturday Sep 29, 2012


Les photos peuvent paraître un peu gore mais pas de bonne soupe de tomate sans moulin à légumes. On n’a rien trouvé de mieux. Il est juste temps de profiter des dernières tomates: il y avait donc urgence à publier ce billet. Sinon la recette servira pour l’été prochain.

“Ma” soupe de tomate est directement inspirée de la passata, la sauce que toute bonne mamma — italienne, faut-il le préciser? — se doit de préparer en quantité en prévision de l’hiver. Pure tomate, ou presque… et ”passata” en référence au moulin à légumes, justement. Elle se prépare bien en grande quantité, et ce n’est pas un problème: elle ne traîne jamais longtemps dans le frigo. Donc, lavez trois ou quatre kilos de tomates rondes, type marmande, bien mûres, puis égouttez-les. Coupez les tomates en quatre ou en huit suivant leur grosseur et mettez-les telles quelles dans un grand faitout. Vous ajoutez ce qu’il faut de gros sel, de l’ail épluché ou un peu de piment si vous aimez ça, un oignon ou deux si vous craignez l’acidité de la tomate, un peu de thym… Rien n’est obligatoire, sauf le sel: c’est affaire de goût et c’est ce qui fera que “ma” soupe devienne “votre” soupe.

Vous mettez sur le feu assez vif, sans rien ajouter en principe: si tout se passe bien, les tomates rendent immédiatement suffisamment de jus. Sinon, ajoutez un verre d’eau, mais vraiment pas plus, et laissez cuire jusqu’à ce que tout semble bon à passer au moulin (cela prend un peu plus de temps si vous ajoutez de l’oignon: il vaut mieux le couper en 8). Passez les tomates au moulin à légumes, grille fine ou grille moyenne, cela se discute. En Auvergne, j’ai un moulin à légumes antique, sans doute de la première génération, qui n’a qu’une grille moyenne; à Paris, il est plus moderne et j’ai le choix, mais, en général, je prends la fine: le résultat est intéressant dans les deux cas. Quel que soit votre choix, il faut tourner jusqu’à ce qu’il ne sorte vraiment plus une seule goutte et bien écraser les peaux et les pépins: c’est ce qui a le plus de goût (et la peau donne une couleur plus intense).

Soit vous servez cette soupe immédiatement, en rajoutant un peu d’eau si elle vous semble trop épaisse, soit vous la servez froide ou tiède. Dans tous les cas, vérifiez l’assaisonnement en sel, ajoutez un tour ou deux de moulin à poivre et un filet de bonne huile d’olive. Une huile très verte marche bien, mais l’effet est assez attendu. J’ai obtenu un goût beaucoup plus intéressant avec l’huile “Fruitée noire” de PPP (Première Pression Provence), élaborée à partir d’olives très mûres et maturées: son arôme de champignon est très intéressant sur la tomate. Vous pouvez râper du zeste de citron à la surface de “votre” soupe de tomate, ou la parsemer de basilic ciselé (personnellement, je préfère l’estragon, plus surprenant), l’accompagner de très fins toasts tartinés d’anchois ou de tapenade. Je m’en sers aussi pour assaisonner une salade de tomates variées: “Salade de tomates à la tomate”. Et s’il vous en reste vous pouvez toujours vous en servir sur des spaghettis!


Nouvelles d’Auvergne et des environs

Saturday Sep 8, 2012
les vignes de Gilles Monier à Molompize (Cantal)

les "palhàs"

La photo ne rend vraiment pas justice à cet endroit fascinant: avec son iPhone on fait ce qu’on peut… Le village qu’on voit tout en bas — et donc en haut sur la photo… c’est pratique! — s’appelle Molompize. Il est situé dans le Cantal, au fond de la vallée de l’Alagnon et son altitude est en moyenne de 580 mètres. La photo a été prise 200 mètres plus haut et nous n’étions pas tout en haut des vignes, sur les derniers “palhàs” (c’est le nom des terrasses en auvergnat), il s’en fallait de quelques dizaines de mètres encore, ce qui en fait un des vignobles les plus hauts de France. Autrefois, tout ce versant nord de la vallée était entièrement sculpté par ces palhàs et on y faisait pousser de la vigne. Le versant opposé, orienté au nord, lui, était et reste toujours couvert de bois. Au fond de la vallée, des vergers et du maraîchage. Les palhàs sont soutenus par des murs de schiste ou de basalte, quelquefois véritablement impressionnants. En fait ma phrase est mal tournée: les palhàs sont l’ensemble du mur et de la terrasse qu’il soutient. Ces vignes appartiennent à et sont cultivées par Gilles Monier qui s’est installé là il y a une vingtaine d’années (il était géologue auparavant, originaire de l’endroit) mais qui a mis longtemps à se décider à cultiver la vigne et à faire du vin. Monter jusque là-haut et s’immerger dans ce paysage m’a procuré une sensation incroyable: non seulement je comprenais, je pouvais voir, toucher ce qui fait l’originalité de ces vins, mais, en même temps, remontait du fin fond de l’histoire ce qui avait produit ce paysage. Le vin s’enrichissait soudain de tout le travail qu’il avait fallu depuis des siècles pour en arriver là. Cette impression était incroyable: la solitude face à ces montagnes qui n’en sont pas vraiment, la rudesse de l’environnement, mais aussi la capacité d’accueil de cet espace et ce sentiment de siècles et de siècles de travail accumulé… Je m’y sentais bien. En paix.

Il a démarré en cultivant du gamay et du chardonnay. Avec le chardonnay, il produit deux cuvées: la classique, élevée en cuve, et “Féline”, en barrique. Féline, c’est le lieu-dit de son autre vigne, à quelques kilomètres de là, à Massiac, à 6 km. La vigne y a quelque chose de majestueux, même si elle paraît moins impressionnante: les palhàs étaient partiellement effondrés et le versant de la combe boisée dans laquelle elle est située a été entièrement remodelé en gradins, mais avec des engins modernes. La vigne se déploie comme une sorte de grand rideau de théâtre qui monte très haut sur la pente. La forêt est toute proche, ce qui a peut-être des avantages, mais aussi des inconvénients: les chevreuils aiment bien les jeunes pousses et quelques autres espèces se régalent des grains. L’une et l’autre vignes ont été plantées, à l’origine, et en gamay, et en chardonnay. Aujourd’hui, à Féline, Gilles Monier a planté du pinot gris. On peut imaginer que cela donnera des vins un peu dans l’esprit des pinot griggio du Frioul et de la Vénétie Julienne. Gilles Monier vinifie dans la cave de son grand-père, dans le vieux Massiac. Il faut le voir pour le croire tant on est loin de la conception d’une cave “moderne”… Ce n’est rien de dire que c’est extrêmement artisanal! Enfin, cela colle tout à fait avec la culture des palhàs. Ses vins ont une structure très minérale, en blanc comme en rouge. Quelque chose de très “droit”. Le terme l’a fait s’interroger quand je lui ai fait cette réflexion, mais il reflète pourtant le paysage, son austérité et, en même temps, cette générosité. Le gamay est plus épicé que fruité. Le chardonnay est d’une grande vivacité, assez aromatique. Le bois apporte à la cuvée “Féline” une certaine rondeur, mais dans la discrétion. Ce sont des vins très auvergnats: pas expansifs, mais chaleureux une fois apprivoisés, beaucoup plus complexes que ne le laisserait entendre le terroir, bien délaissé pendant si longtemps. Pour trouver ces vins, vous pouvez vous rendre chez Gilles Monier, mais il est prudent de téléphoner. Sinon, vous pouvez les acheter aux Caves du Palais, à Saint-Flour, une “maison de confiance” tenue par André Rieutord et sa femme Marie, qui sont devenus des amis, et à Paris, au moins chez Camille Sarrau, de la Cave de Lourmel, à qui je les ai fait découvrir. Read the rest of this entry »