sur les menus dégustation
Posté par benedictbeauge dans la rubrique : humeurs, vieux papiers vendredi févr. 26, 2010à propos du restaurant des Sources de Caudalie, lorsqu’il a ouvert sous la direction de Didier et Marie-Louise Banyols:
La Grand’Vigne, le restaurant gastronomique de l’établissement, semble ne pas avoir cédé aux sirènes du menu-dégustation. Il parait que cette fantaisie à rallonges est une invention de la Nouvelle Cuisine. Il paraitrait aussi que la clientèle peu coutumière des restaurants “gastronomiques” l’apprécie. Renouer ainsi avec les fastes d’antan et ses repas interminables en servant des micro-portions? Ou façon, toute petite-bourgeoise, d’en avoir pour son argent, avec l’impression de faire deux repas pour le prix d’un? Quoiqu’il en soit, l’aventurier du goût que je suis, s’élève contre cette pratique et crie “halte-là !”. L’aventure, d’accord, mais est-ce raisonnable d’aller se jeter sur le parcours d’une avalanche pour jouer les fiers-à-bras? Car ces menus, à l’exception de quelques uns particulièrement bien composés qui vous entraînent sans cahots dans leur histoire (et, dieu merci, il en existe, sinon je serais mort étouffé depuis longtemps… je ne suis pas encore allé goûter le menu tapas de Ferran Adriá d’elBulli, en Catalogne), sont de parfaits anesthésiants des papilles par saturation. Comment parvenir à distinguer les accords qui composent un plat et ceux, plus ou moins subtils, qu’il tresse avec le vin, dans ce train d’enfer où les assiettes succèdent aux assiettes et les saveurs s’empilent sur les saveurs?
Saint Laurent et Saint Honoré, priez pour nous, pauvres mangeurs…
publié dans L’Amateur de Bordeaux n°65 (septembre 1999)